texte et photos Bernard Ondry
Premier contact
En juin 2024 j’étais invité à un Fly in à Sadournin dans les Hautes-Pyrénées. Ce type d’événements est différent d’un meeting mais attire de nombreux passionnés d’aviation venus de tous les coins de France. Arrivée de bonne heure sur le terrain en herbe je commençais à faire le tour des machines. Je tombais en admiration sur un appareil du début du siècle dernier un Blériot 11 biplace côte à côte, comme neuf. Le pilote n’étant pas là, je me dirigeais vers une personne d’un certain âge.
Il assurait la sécurité du lieu en empêchant les gens de franchir les rubalises. Je lui demandais alors s’il connaissait le pilote de ce joujou extraordinaire. Et à ma grande surprise il me dit que c’était lui. Je le félicitais aussitôt en lui disant que son appareil était en excellent état pour son âge et très bien entretenu, pratiquement comme à l’état du neuf. Il se mit aussitôt à rire. Il me dit que cela était normal parce qu’il venait de finir de le fabriquer lui-même.


Une belle rencontre
Avion et pilote faisaient un beau couple, et je les photographiais alors sous toutes les coutures. La conversation devint rapidement captivante, et il me confia que sa passion pour l’aviation remontait à son enfance. Adolescent, il reçut un cadeau de sa marraine qui allait marquer son destin : un kit de construction d’avion pour vol circulaire, équipé d’un moteur à explosion. Il s’agissait d’un Mitsubishi Zero, un modèle japonais qu’il ne connaissait pas encore. Sans le savoir, cette généreuse attention allait éveiller en lui une fascination indéfectible pour l’aéronautique.


Rendez-vous est pris
Ce jour-là, le vent était un peu trop fort, et il préféra ne pas prendre le risque de décoller. De plus, ni lui ni moi ne disposions de suffisamment de temps pour prolonger notre échange. Avant de partir, je lui promis de revenir à Sadournin pour le voir voler à bord de son magnifique avion. J’avais envie d’en apprendre davantage son histoire fascinante de pilote et constructeur.
Des échanges étonnants
Une semaine après cette première rencontre j’avais déjà pris RDV avec Charles pressé d’en apprendre un peu plus sur la vie extraordinaire de ce passionné. Nous nous sommes retrouvés à l’hôtel restaurant Dupont à Castelnau Magnoac, pour un petit déjeuner des plus intéressants.
De l’ALAT aux compagnies aériennes internationales
Formé initialement comme pilote d’hélicoptère au sein de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) française, ce passionné d’aéronautique a bâti une carrière remarquable qui l’a mené aux quatre coins du monde. Après plusieurs années de service militaire, il s’oriente vers l’aviation civile. Ainsi, il totalise plus de 11 000 heures de vol, notamment pour l’industrie pétrolière et diverses compagnies aériennes internationales.
Une carrière diversifiée et un engagement dans la formation
Dès 1994, il devient examinateur et instructeur sur simulateur, accumulant plus de
3 000 heures de formation donnée. Son expertise l’amène ensuite à piloter des avions pour des compagnies aériennes en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Europe. Son savoir-faire ne se limite pas au pilotage. Il occupe plusieurs postes à responsabilité, dont celui de directeur des opérations dans une compagnie africaine d’hélicoptères et d’aéronefs à voilure fixe. En tant que responsable de la sécurité et de la qualité, il contribue également à l’obtention de la certification IOSA pour une compagnie d’Asie centrale.
Leadership et gestion de flottes complexes
Sa carrière est jalonnée de missions complexes impliquant la gestion de flottes impressionnantes. Il gérera jusqu’à 22 hélicoptères et 3 avions, exploités par 82 pilotes de 12 nationalités différentes, assistés par 300 employés locaux. Il a su évoluer dans des environnements multinationaux sous forte pression, toujours guidé par les impératifs de sécurité et d’efficacité.
Une Reconnaissance internationale
Son expertise l’a conduit à occuper des postes clés dans diverses compagnies à travers le monde. Notamment il travaillera tant que directeur des opérations aériennes pour Euro Asia Air au Kazakhstan. Là, il restructurera un service d’exploitation et de formation pour un contrat offshore. Son parcours l’a également amené à diriger des opérations en Afrique, en Arabie Saoudite, au Bangladesh et au Tchad, gérant des contrats majeurs pour l’industrie pétrolière.
Titres et qualifications
Ce pilote hors pair est titulaire de nombreuses certifications qui attestent de son niveau d’expertise :
- Licence de pilote de ligne (ATPL) avion et hélicoptère
- Qualification de vol aux instruments (voilure fixe et tournante)
- Instructeur sur simulateur
- Auditeur IOSA
- Examinateur certifié par la CAA britannique
Une retraite active au service de sa passion
Depuis janvier 2021, il profite d’une retraite bien méritée après des décennies de carrière dans l’aviation. Cependant, son amour pour l’aéronautique reste intact. Il continue de suivre de près l’évolution du secteur. Il échange avec la nouvelle génération de pilotes et de transmet son savoir. Toujours animé par la même passion, il consacre désormais son temps à des projets personnels liés à l’aviation. C’est notamment la construction et la restauration d’avions historiques.


La passion de la construction des avions.
Depuis qu’il est à la retraite, pour continuer à voler, il s’est mis à construire des avions. Il a tout d’abord commencé par un Fokker DR1, dont il a acheté le kit au USA, à l’entreprise Airdrome Aeroplanes, constructeur aéronautique américain. Fondée par Robert Baslee, cette entreprise est basée à Holden, dans le Missouri. Elle se spécialise dans la fabrication de kits destinés à la construction amateur. Elle propose une vaste gamme de répliques d’avions emblématiques. On y trouve notamment ceux de l’ère des pionniers de l’aviation avant la Première Guerre mondiale. Elle propose aussi des appareils des Alliés de la Seconde Guerre mondiale.


Dans la peau du Baron Rouge
Le Fokker Dr.I est un avion de chasse triplan de la Première Guerre mondiale construit par Anthony Fokker. Il sera utilisé par l’Allemagne en 1917 et 1918. Le plus connu fut celui du « Baron Rouge », Manfred von Richthofen, dans lequel il se tua en 1918.
Après sa construction, il réalisa une dizaine de vols, mais il trouvait son pilotage délicat. Un jour, il fut victime d’un accident qui endommagea l’appareil, heureusement sans conséquence pour lui. Bien qu’il soit toujours en sa possession, il envisage encore de le réparer.
Le rêve d’un Blériot
Charles décida alors de construire un nouvel avion et retourna aux États-Unis pour rencontrer Robert Baslee. Il souhaitait un Blériot. Mais à l’époque, les seules options disponibles dans le catalogue d’Airdrome Aeroplanes étaient un monoplace, réplique du célèbre modèle ayant traversé la Manche, et un biplace biplan. Tous deux étaient trop lourds pour respecter les normes ULM en France.
Son idée était de concevoir un Blériot biplace côte à côte, monoplan. Robert Baslee lui proposa alors de se lancer dans le projet à condition qu’il trouve un plan de référence. Après de longues recherches, Charles découvrit que Blériot avait effectivement conçu un tel modèle. Mais les plans de construction restaient introuvables. Il ne disposait que d’un descriptif accompagné de trois vues schématiques. Il les envoya immédiatement à Robert en lui demandant : « Penses-tu que c’est réalisable ? »
La réponse fut encourageante : « On peut toujours essayer, mais il faudra que tu viennes ici pour débuter la construction. En revanche, je ne peux te garantir que cela volera. »


Du rêve à la réalité
Charles passa alors une semaine aux États-Unis pour assembler la structure de l’avion avec l’équipe d’Airdrome Aeroplanes. Une fois l’ossature prête, elle fut expédiée en France par conteneur. Cela marqua le début d’une aventure unique pour donner vie à un modèle inédit.
De retour chez lui, il acheva l’assemblage dans son garage, aidé de son fils et de sa femme. En trois semaines, ils effectuèrent l’entoilage, l’installation du moteur Werner acheté en Tchéquie, la pose des instruments et de tous les accessoires.
Le moteur en étoile de 98 ch et 7 cylindres est une particularité de l’appareil. Il s’agit d’un assemblage de sept moteurs de moto Honda conçu par Werner. Avec ses accessoires, rampes d’allumage électronique, filtre à essence, et réservoir d’huile, il pèse 80 kg. L’ensemble de l’avion atteint un poids total de 330 kg, dont 250 kg pour la structure en tubes d’aluminium.


Performances et autonomie
Le réservoir, d’une capacité de 60 litres, permet une autonomie de vol d’environ 1h30, en tenant compte d’une consommation de 25 à 30 litres par heure et de la réserve obligatoire imposée par la réglementation. Cela représente une portée d’environ 120 kilomètres.


Investissement total
Le coût global de l’appareil s’élève à environ 40 000 €, se décomposant comme suit :
– Le moteur représente la part la plus importante avec un investissement de 15 000 €.
– La cellule a un coût d’environ 6 000 €.
– Airdrome Aeroplanes a facturé une semaine de travail sur ses machines-outils.
– Le reste du budget est consacré aux instruments de bord et à un parachute pour l’avion.
Bien que cet investissement soit conséquent, il reste relativement modéré comparé aux prix des avions légers neufs. En effet, ces derniers peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros. Pour les passionnés d’aviation, cet investissement représente la concrétisation d’un rêve, justifiant ainsi la dépense.

Conclusion
Avec une carrière aéronautique aussi riche qu’impressionnante, marquée par des milliers d’heures de vol aux quatre coins du monde, ce pilote passionné n’a jamais cessé de repousser les limites du possible. D’hélicoptères militaires aux avions de ligne, en passant par la direction d’opérations aériennes complexes, il a su allier expertise, rigueur et passion pour l’aviation.
Mais au-delà de son parcours professionnel exemplaire, c’est son amour indéfectible pour le pilotage et la construction aéronautique qui force l’admiration. Même après une vie passée à voler, il continue à prendre les airs, fidèle à cette vocation qui l’anime depuis l’enfance. Aujourd’hui encore, il incarne cette passion pure et inaltérable, celle qui défie le temps et les années, prouvant que lorsque l’aviation est une véritable raison d’être, elle ne connaît ni frontières ni limites.
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