Série d’articles par Robin MORET
Quatrième et dernier billet d’une série d’articles dédiés au stockage de nos photos et vidéos, avec un focus sur les solutions de types de NAS (Network Attached Storage). Cette série a pour vocation de vous sensibiliser à la problématique de la sauvegarde pérenne des précieux fichiers photos que nous mettons tant d’ardeur et de moyens à réaliser, à post-traiter, mais rarement à sauvegarder…
Ces articles reprennent les vidéos que j’avais réalisées en 2022 sur le sujet. L’article constitue « la version courte » et je vous invite à visionner la vidéo en bas de l’article pour plus de détails.
Vous avez raté l’article précédent ? C’est par ici >>>> Le stockage 3/4
Mon setup local
Il y a un peu plus d’un an je déménageais et j’ai profité de cette occasion pour rationaliser mon stockage. Comme beaucoup d’entre vous, je me coltinais une collection de disques externes. J’avais tant que bien mal mis en place des sauvegardes mais un jour sombre, ce fut le constat d’effroi. J’avais perdu un répertoire « Red Bull Air Race » et il n’avait été sauvegardé nulle part. Sans doute une fausse manip de ma part mais la leçon avait été bien retenue : plus jamais. J’étais prêt à y mettre un peu d’argent.

Après m’être renseigné sur les solutions NAS, j’ai vite réalisé que c’était ce qu’il me fallait. Mais ça allait me coûter plus que ce que j’imaginais initialement. Mais pour autant il était possible de construire une solution évolutive et donc d’étaler un peu les dépenses :
1ère étape : mettre en place une stratégie 2-2-0 grâce à un NAS six baies avec deux volumes. Réutilisation de mes disques externes dans la mesure du possible pour peupler les baies
2ème étape : faire évoluer ma capacité de stockage en remplaçant ces disques par des disques de capacité plus importante et taillés pour vivre dans un NAS
3ème étape : surveiller les promotions pour acheter second un NAS ! Je l’installerai alors chez mon beau-frère pour passer à une stratégie 3-2-1.
J’ai vite compris que Synology étant sans doute le meilleur point de départ pour moi. J’ai donc acheté un DS1621+ (6 baies, sorti en 2021) dans lequel j’ai créé deux volumes en mode SHR. L’idée était d’initier chaque volume avec deux disques neufs de 14To. Ainsi j’aurai de quoi rapatrier les données de mes disques externes de 8To.

Une fois le transfert effectué, je pourrai sortir ces disques de leurs boîtiers pour insérer dans le NAS (« disc shucking« ). J’obtiens ainsi deux volumes de trois disques chacun : deux disques neufs de 14To chacun et un de mes vieux disques de 8To (capacité utile : 14+8= 22To)
J’ai également acheté un petit onduleur qui me permet d’assurer un minimum d’autonomie pour le NAS, la Freebox et le switch ethernet en cas de coupure de courant. Cela me protège aussi des effets de la foudre. Le NAS est connecté à l’onduleur par USB. Quand l’onduleur détecte qu’il arrive en limite d’autonomie, le NAS se met en sécurité et s’éteint. Sans cela, vous risquez une corruption des volumes si le NAS était en cours d’écriture à l’instant de la coupure d’alimentation

Les mécanismes de sauvegarde
Lors de la création des volumes, je vous conseille d’activer :
- Le système de fichier Btrfs
- L’encryption du volume
- La vérification des sommes de données (checksum)
Concernant l’encryption, cela vous protège un peu mieux contre le vol. Mais il faudra renseigner un mot de passe à chaque fois que vous rebooterez le NAS (pas si souvent en règle générale). Les autres fonctions permettent un contrôle régulier de l’intégrité des données présentes sur le disque.

L’initialisation des volumes peut prendre plusieurs heures en fonction du nombre de To que vous installez, car le NAS vérifie d’abord l’intégrité de chaque disque. Une fois les originaux déplacés vers le premier volume, la suite logicielle incluse avec DSM permet de mettre en place :
- Un contrôle régulier de la santé des disques (tests S.M.A.R.T). Pour ma part je demande un test rapide mensuel et un test complet deux fois par an,
- Un nettoyage automatique des données une fois par mois,
- La mise en place d’instantanés (« snapshot ») pour mes répertoires « documents » et assimilés,
- La mise en place d’une sauvegarde quotidienne (la nuit) des répertoires du Volume 1 vers le Volume 2, avec conservation d’un historique de versions sur 6 mois,
- Pour mes répertoires photos, des notifications email s’il détecte que des fichiers ont été supprimés d’un jour sur l’autre,
- La vérification mensuelle de l’intégrité des sauvegardes.
De cette manière, mon mode opératoire est donc simple. Quand je rentre de meeting / voyage, je transfère l’intégralité de mes photos sur le Volume 1 de mon NAS… et voilà !
Tout le reste se fait en complète transparence pour moi, avec l’assurance :
- D’être averti si jamais je venais à supprimer malencontreusement un fichier ou un répertoire,
- Si le fichier a été altéré ou modifié par erreur, de pouvoir revenir à n’importe quelle version de moins de 6 mois,
- Que si un disque de mon NAS venait à mourir, le seul impact que cela aurait serait que je doive en recommander un autre. Dans l’intervalle, j’ai toujours accès à tout. Quand je l’aurai reçu, je n’aurai qu’à remplacer le disque physiquement et lancer la reconstruction,
- Que quand bien même un volume entier venait à être corrompu, je pourrais toujours le restaurer rapidement.
Des fichiers centralisés et accessibles en permanence
Evidemment je n’utilise pas mon NAS que pour mes photos. J’y ai aussi placé l’intégralité des « Mes Documents », fichiers Word, Excel, PDF, banque, etc. Ayant un ordinateur de bureau, un PC portable et un smartphone, plutôt que de dupliquer des versions sur chacune de ces plateformes, je les ai centralisées sur mon NAS.
Ensuite l’application Drive incluse avec DSM me permet de synchroniser sur chacun de mes ordinateurs / téléphone ces fichiers. Ils sont alors disponibles en permanence, ou alors téléchargés à la demande pour sauver de l’espace mémoire. Mon NAS devient ainsi un petit « cloud personnel« , accessible via le réseau/WiFi quand je suis chez moi, mais pas que.
En effet Synology propose des solutions assez robustes pour pouvoir accéder aux fichiers de votre NAS même quand vous n’êtes pas chez vous. De facto, que ce soit par la 4G ou via le wifi de l’hôtel quand je suis en déplacement, j’ai accès à mes fichiers comme si j’étais chez moi, ou presque. Car évidemment, il faudra s’authentifier voire se double authentifier par mesure de sécurité mais c’est la seule différence. (Et évidemment les débits ne sont pas les mêmes qu’en local)
Et désormais, ces fichiers bénéficient de la même assurance-vie que mes photos : sauvegardes régulières, conservation des versions, contrôle d’intégrité etc.
Mon setup distant
Lors du Black Friday, une promotion très intéressante a eu lieu sur un modèle de NAS 4 baies. J’en ai profité pour activer les étapes 2 et 3 de ma stratégie. J’ai donc acheté ce NAS ainsi que quatre disques de 14To équivalents à ceux que j’avais déjà. Objectif :
remplacer les vieux disques 8To de mon 6-baie par des 14To, et les réutiliser dans le 4 baies. Mais 2x8To ne seraient pas suffisants, d’où le complément des deux 14To supplémentaires. J’arrivais ainsi à 28To utiles pour le Volume 1, idem pour le Volume 2, et 30To dans le « Volume 3 » créé sur le nouveau NAS 4 baies.

Dans un premier temps, j’ai installé ce second NAS chez moi le temps de constituer la toute première sauvegarde. Il est impensable de réaliser cette opération au travers d’internet, ce serait beaucoup trop long. Une fois cette sauvegarde initialisée, j’ai amené le NAS chez mon beau-frère et je l’ai branché sur son réseau. Et depuis, chaque nuit, mon NAS 6-baies balance la sauvegarde via internet (chiffré of course) vers le 4 baies. Il va de soi que ne circulent que les données modifiées d’un jour sur l’autre et pas la totalité du volume.
Grâce à l’accès à distance, je peux tout à fait l’administrer depuis chez moi et vérifier de temps en temps que tout se passe bien.
Rappelons encore une fois à quoi sert ce NAS distant : c’est la sauvegarde de l’Apocalypse. Je ne m’en sers jamais et j’espère bien que ce sera toujours le cas. Les seuls cas où j’en aurais besoin seraient une catastrophe chez moi ou un cambriolage qui me priverait de mes deux volumes. Alors, et seulement alors, je prendrais ma voiture pour aller récupérer le NAS distant et le ramener chez moi pour récupérer mes données.
Cela pourra sembler « overkill » pour certains et je peux le comprendre. Tout dépend de la valeur que vous accordez à vos fichiers.

Quel tarif ?
Parlons un peu de ce qui fâche: combien tout cela m’a couté ? Voilà les chiffres en toute transparence, pour chacune des phases :
- Phase 0 :
- deux HDD externes de 8To : 2×150€
- Capacité utile de 8To (un disque est la copie de l’autre)
- Soit un total de 300€. Le prix de revient du To est alors de 38€/To.
- Phase 1 & 2 (stratégie 2-2-0) :
- + un NAS 6 baies , +880€
- + 4 disques de 14 To , +4×290€
- + 1 onduleur, +110€
- -> Deux volumes d’une capacité utile de 22To pour +2150€,
- Soit un total de 2450€ à ce stade. Le prix de revient du To utile monte alors à 111€/To.
- Phase 3 (stratégie 3-2-1) :
- + un NAS distant 4 baies , +440€
- + 4 disques de 14To , +4×290€
- + 1 onduleur, +110€
- => Trois volumes d’une capacité utile de 28To pour +1710€,
- Soit un total de 4160€ à ce stade. Le prix de revient du To utile monte alors à 149€/To.
Encore une fois, la mise en place d’une stratégie de sauvegarde à un coût. Mais tout est relatif:
Dans 1To je place environ 37.000 photos. Cela représente donc 0.4 centime par photo sauvegardée. Cela ne me parait pas délirant, mais continuons la comparaison:
1/ J’ai payé mon dernier boîtier 1500€ et je peux compter sur lui pour environ 100.000 déclenchements : 1.5 centime par photo. Et je ne compte même pas le coût de l’objectif ! Il est difficile de le ramener au prix d’une photo, mais arrondissons à 2 centimes la photo.
2/ pour mon week-end à Pratica di Mare, j’ai dépensé 160€ de billets d’avion, 200€ d’hôtel, 150€ de voiture, 90€ de bouffe. J’ai ramené près de 12.000 photos, soit comptablement 5 centimes la photo. OK ce n’est pas que ca, il y a le plaisir personnel du voyage, les souvenirs, les copains qu’on revoit, etc. Mais c’est toutefois le prix que m’ont coûté ces photos.
3/ je fais ~60.000 photos par an et il m’en coûte 180€/an d’abonnement logiciel Lightroom, Photoshop, Topaz, etc. Ce qui fait 0.3 centime par photo pour la partie traitement.
On arrive à un coût total de près de 8 centimes par photo, dont 0.4c pour la sauvegarde. Même en ayant dépensé plus de 4000€ dans ma stratégie, le coût de ma sauvegarde c’est moins de 5% du coût de mes photos. Encore une fois ça ne me parait pas délirant. Pour autant il est évident que cela reste une somme que tous ne peuvent pas se permettre, y compris le moi d’il y a 10 ou 15 ans.
Après, rien ne vous oblige à dépenser autant et vous pouvez positionner le curseur où bon vous semble :
- Si déjà vous mettez en place une stratégie 2-2-0 robuste vous êtes bien.
- Pour une stratégie 3-2-1, vous pouvez aussi utiliser un service Cloud, mais vous serez sans doute limité en taille (2To en général). Cela fonctionnera bien pour une sélection de fichiers importants plutôt qu’une sauvegarde massive. Mais gardez en tête que le cloud est un service par abonnement et au fil des années, les frais s’accumulent. Sur une durée de cinq ans on peut vite arriver à ~300€/To
Il n’y a pas que la photo dans la vie
Quand je me paie un voyage, je n’en tire pas que des photos. De la même manière quand j’achète un NAS, j’obtiens plus qu’un coffre-fort à photos. Par ordre d’intérêt personnel :
- Comme déjà indiqué, il me sert de cloud personnel pour mes fichiers perso via l’application Drive.
- J’ai installé une application de serveur multimedia Plex, qui me permet d’organiser ma bibliothèque de films / séries avec une interface moderne. Je peux alors les lire sur la télé chez moi, sur la télé de quelqu’un d’autre avec qui j’ai envie de partager un film, sur mon portable quand je suis dans les transports.
- Le NAS a aussi son appli de téléchargement qui me permet de 1/ ne pas utiliser les ressources de mon PC pour cette tâche 2/ récupérer directement les fichiers sur le serveur multimédia
- Pour les photos plus « familiales » issues de nos portables, l’appli Photos permet 1/ de les sauvegarder 2/ de les partager avec vos proches. Elle permet d’ailleurs de sauvegarde les photos de tous les portables de la maison si besoin.
- J’ai connecté une petite caméra de surveillance. Le NAS me permet de voir ce qui ce passe chez moi où que je sois et de détecter des intrusions.
- Je peux aussi héberger mon site web puisque mon NAS tourne H24.
- De la même manière, il peut aussi servir de point central à une installation domotique si vous êtes portés sur le sujet.

Il existe en fait tout un système de packages supplémentaires inclus dans le tarif qui vous permettront d’adapter votre NAS à votre usage.
Un an plus tard
Avec un an d’expérience sur le sujet, y aurait-il des choses que j’aurai fait différemment ? La réponse est oui et le premier sujet qui me vient est celui du nombre de baies. J’ai donc deux NAS, un 6 baies local et un 4 baies distant. Rétrospectivement, ce n’est pas assez pour le premier et trop pour le second. Je m’explique :
- Sur le 6 baies, chaque volume a donc 3 disques, et le débit total théorique est donc 600Mo/s. En pratique je dépasse rarement les 400Mo/s car un volume est rarement en lecture pure, il y a toujours un processus qui a envie d’écrire en même temps. Maintenant que mon réseau est en 10GbE, c’est donc la physique des disques qui limite la performance.
- Si j’avais pris un 8 baies, j’aurai pu avoir un 1er volume à 4 disques et ainsi gagner en débit, tout en conservant le 2e volume à trois disques (c’est une copie du 1er, je n’ai pas besoin de performances spécifiques), tout en conservant une baie libre pour faire évoluer la capacité à moyen terme
- Concernant le 4 baies, ca avait un aspect pratique parce que j’ai pu le peupler avec les disques que j’avais sous la main à l’époque. Mais je n’ai concrètement aucun besoin de performances sur ce NAS. Quand j’uploade chaque nuit dessus, c’est le débit de la connexion Internet qui limite et même si c’est de la fibre rapide, ça reste largement en deçà de ce que sait faire un seul disque. Et comme indiqué plus haut, je ne l’utilise pour ainsi dire jamais en lecture. En conséquence, un simple NAS deux baies (mais avec deux gros disques) aurait pu faire l’affaire. Ça aurait pris moins de place et moins d’électricité chez mon beau-frère (ne lui dites pas).
Le second point concerne le niveau sonore qu’il ne faut pas sous-estimer. Quatre ou six disques durs performant dans un chassis en alu, ça s’entend. Ne pensez pas l’installer dans votre salon, et même dans un bureau il vaudra mieux lui trouver un petit coin à l’écart. Chez moi il est dans un placard.
Cela étant dit, je suis 100% satisfait du système et de l’investissement consenti, même s’il s’est avéré plus important que prévu. Le matériel est performant, les applications sont bien pensées. Il faut parfois se pencher un peu dessus pour le configurer pour votre propre usage. Mais Internet regorge de tutoriels, et le site du constructeur est bien fait et en français.
Pour aller plus loin
Si j’ai réussi à vous interpeller par cette série d’articles, je vous recommande les ressources suivantes pour aller plus loin sur le sujet du stockage et du NAS :
- Le blog CACHEM (FR) et chaine Youtube associée,
- La chaine Youtube de Hugo FORTIER (FR),
- Le blog NASCompares (ENG) et chaine Youtube associée,
- La chaine Youtube SpaceRex (ENG),
- La chaine Youtube WunderTech (ENG),
- Le comparateur de RAID de Synology,
- Ce calculateur de perfo RAID.
Conclusions de la dernière partie
L’objectif de cette dernière partie était de donner un angle un peu plus concret aux différents sujets abordés dans les parties précédentes. J’espère que cela vous a motivé à réfléchir au sujet de la sauvegarde de vos données. C’est un sujet qui mérite de s’y pencher un minimum avant de faire chauffer la carte bleue, au risque de d’être déçu plus tard.
Les points qui me semblent le plus importants à retenir sont à mon avis:
- Une fois qu’on a décidé d’une stratégie, il est possible d’y arriver par étapes pour étaler les dépenses. Mais cela implique de bien avoir réfléchi en avance,
- La dépense peut être significative mais à remettre dans le contexte de vos dépenses en général pour vos photos,
- Pour ce prix, le NAS pourra vous rendre bien d’autres services que la seule sauvegarde de vos photos,
- Si vous sautez le pas, les ressources sont nombreuses sur internet pour vous accompagner.
J’espère que cette série d’articles aura attisé votre curiosité au sujet de la sauvegarde et vous aura donné les bases techniques pour entamer votre propre réflexion. N’hésitez pas à réagir dans les commentaires !
Le stockage 3/4 <<<< Consulter la première partie de cette série d’articles
Laurent Gr
décembre 29, 2023
bonjour Robin,
l’info concernant le chiffrage de ta solution 3-2-1 ne me semble pas très claire car en lisant, on pourrait avoir l’impression que le montant de 4180 euros s’ajoute à ta phase précédente de 2380 euros.
au début je comprenais que ta solution 4 baies coutait 4180e et pensais bien sur à une erreur dans le prix.
il faudrait peut etre être un peu plus clair/précis sur le fait que c’est le prix de la solution globale 6 baies + 4 baies + disques + onduleur.
my2cts
Robin Moret
décembre 29, 2023
Merci pour ton retour Laurent, j’ai essayé d’améliorer la rédaction en ce sens, dis moi si c’est plus clair désormais
Laurent Gr
décembre 31, 2023
c’est très clair comme cela en détaillant les composantes de l’investissement.
merci bcp Robin