Passionnés d'Aéronautique et de Photographies

Une première participation des Rafale à l’EAP

Texte de Bernard Ondry, photos de Bernard Ondry et Lionel Coste

La France déploie quatre rafales pour assurer la police de l’air dans les pays Baltes.

Pour la première fois depuis la mise en place des missions de protection de l’espace aérien dans les pays Baltes, la France déploie 4 rafales. Ils rejoindront sur la base aéronautique de Šiauliai, au centre de la Lituanie. Spotair était sur la base aérienne 118 de Mont-de Marsan pour assister aux préparatifs. Cet article vous permettra de comprendre le pourquoi de cette opération, et connaître les moyens mis en œuvre.

Pourquoi cette mission ?

Après l’avoir quitté en 1966, la France a réintégré le commandement intégré de l’OTAN en novembre 2007. Cette adhésion implique de participer à un certain nombre de missions pour la protection des intérêts communs, et notamment des frontières Est de l’OTAN.
Les pays Baltes comprennent les territoires situés sur la rive orientale de la mer Baltique, au Nord-Est de l’Europe. Ainsi on trouve du Nord au Sud : l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Trente ans se sont écoulés depuis le rétablissement de l’indépendance de ces trois états annexés de force à l’URSS à la fin de la deuxième guerre mondiale.
En 2004 ces pays ont intégré l’Union Européenne et l’OTAN.
Suite à l’annexion de la Crimée par la fédération de Russie en 2014, correspondant au début du conflit Ukrainien, et à une forte augmentation des préoccupations liées aux enjeux de sécurité régionaux et territoriaux de ces trois pays, l’OTAN a renforcé son dispositif de sécurité pour rassurer ces trois pays.

ENHANCED AIR POLICING, la police aérienne renforcée

La police aérienne renforcée fait partie des mesures d’assurance de l’OTAN introduites en 2014. L’alliance a mis en œuvre ces mesures dans le but de démontrer la détermination collective des Alliés, la nature défensive de l’OTAN, et dissuader la Russie d’agresser ou menacer d’agression les alliés de l’OTAN. Ces mesures sont flexibles et évolutives en réponse aux fluctuations de la situation sécuritaire à laquelle l’OTAN est confronté. Elles envoient un message fort et sans ambiguïté.
EAP s’inscrit dans le cadre des missions de police du ciel de l’OTAN dans les pays baltes dits « Baltic Air Policing » (BAP). Ces missions visent à garantir l’intégrité de l’espace aérien Balte et la souveraineté de ces états qui ne disposent pas des capacités nécessaires pour le faire seuls. L’Armée de l’Air et de l’Espace (AAE) Française y est régulièrement déployée.
Après l’attaque de l’Ukraine par la Russie, l’Armée de l’Air et de l’Espace a ainsi projeté du 13 mars à début août 2022 4 Mirage 2000-5F à Ämari en Estonie, avec un contingent d’une centaine d’hommes. Maintenant elle assure la police du ciel depuis la Lituanie (Šiauliai Air Base, Lakūnų) où elle relève l’armée de l’air Tchèque.

Le premier déploiement de Rafale dans les Pays Baltes

Il s’agit de la 9ème participation de l’Armée de l’Air et de l’Espace à cette mission. C’est aussi le 6ème déploiement en Lituanie. La mission reste inchangée, assurer la police du ciel. 4 Rafales assurent cette mission pour 4 mois. Cette mission demande de gros moyens, en homme et en matériel. Mais la manœuvre logistique est bien échafaudée. Ainsi jeudi 24 novembre au matin, un A400M transporte un premier échelon de personnel multi spécialités. Ils partent avec une partie de matériel et bagages vers la base de Siaulai en Lituanie.

Ce détachement d’une centaine d’hommes, comprend une cinquantaine de mécaniciens avionique. Elle comprend aussi des logisticiens, 2 pilotes complémentaires. En outre, des commandos pour la protection, des maîtres-chiens, des pompiers et une cellule renseignement complètent ce contingent. Une partie du matériel lourd (60 tonnes réparties en une cinquantaine de conteneurs) est parti le 16 novembre par voie ferrée. Elle atteindra sa destination le 5 décembre. Cet ensemble compose une mini base aérienne expatriée, opérationnelle 4 mois du 1er décembre 2022 au 31 mars 2023.

Préparation du convoyage des avions

Arrivé sur la base jeudi matin j’ai pu rencontrer le lieutenant-colonel Benjamin (commandant de l’Escadron de Soutien Technique Aéronautique de la BA 118). Il est en charge de la préparation des avions et de la logistique.

Une quarantaine de mécaniciens avionique travaillaient alors sur la maintenance des Rafales dans un hangar. J’ai pu ensuite rencontrer et m’entretenir avec les 4 pilotes chargés du convoyage vers la Lituanie …

Le vol est composé du commandant Vincent, chef des opérations de l’Escadron de Chasse 3/30 Lorraine. Avec lui on trouve le capitaine Mickaël du Lorraine. Le capitaine Guillaume est chef de patrouille du convoyage. Le lieutenant-colonel Jonathan est le chef de détachement de cette mission. Il appartient à l’EC 2/30 Normandie Niemen. Ce dernier a bien voulu nous en dire plus sur cette mission.

Une préparation de mission intense

« Nous faisons le brief aujourd’hui pour le plus gros, demain nous aurons moins de temps. On verra seulement les points névralgiques, un update météo essentiellement. En effet les prévisions en vent peuvent changer. Sur un vol de trois heures, un vent à 100 km/h, ça change pas mal la conso en pétrole. Je pars en Lituanie en tant que commandant du détachement et également dans ma spécialité de pilote puisque j’effectuerai des missions« 

« Nous sommes six pilotes avec trois missions principales« 

  • La protection de l’espace aérien des trois pays Baltes, états qui font partie à la fois de l’OTAN et de l’Union Européenne, et qui n’ont pas les mêmes moyens que nous notamment en avion de chasse,
  • l’entraînement mutuel avec les autres partenaires de l’OTAN qui y sont déployés au niveau des pays Baltes, avec les Polonais les Allemands, puisque ce sont des mandats qui tournent avec une participation de tous les pays tour à tour. Notre objectif sera de nous entraîner avec eux de manière à augmenter notre inter opérabilité, pour être capable de travailler ensemble de manière extrêmement efficace, et de pouvoir mener le cas échéant tous ensemble des opérations en se connaissant déjà. Cela nous permettra de faire un meilleur travail, comme dans les équipes de sports,
  • le troisième volet de notre mission sera de profiter de notre présence pour faire de l’entraînement au profit de nos pilotes. Quand on ne fera pas de mission dédiée à la protection des états Baltes on pourra faire des missions d’entraînement entre pilote français avec éventuellement des pilotes de pays partenaires, de façon à optimiser notre présence sur place.


Avez-vous anticipé de potentiels incidents ?

« Notre métier en aéronautique et plus encore en aéronautique militaire c’est avant tout de tout anticiper. Tous nos entraînements au long de l’année nous permettent d’anticiper tous les incidents. Et ce n’est pas seulement un incident qui aurait lieu par rapport à la situation sécuritaire actuelle. C’est aussi tout type d’incident avec toute nation. C’est l’objet de notre entraînement tous les jours, donc ce n’est pas un facteur de stress supplémentaire ».


Comment sont armés les Rafales partant en EAP ?

« Nos Rafales partent en mission armés, avec les mêmes armes que ceux qui surveillent le territoire français 24/24. Chacun peut porter six missiles air-air. Les canons sont armés et prêt à tirer…« 


Dans quelles conditions partez-vous demain ?

« Pour nous, ce convoyage est une mission de routine. Nous nous entraînons tous les jours pour cela. Le départ aura lieu à 8h30, pour un vol d’une durée de 3 heures environ, en fonction du vent. Notre altitude de vol sera de 13 000 m. Côté carburant chaque avion part avec 5 300 litres et emmène 3 bidons de 1 250 litres sous les ailes. Nous aurons un ravitaillement juste avant de quitter l’espace aérien Français, ce qui nous permettra de rallier la Lituanie « .


Quelle est l’autonomie d’un Rafale ?

« Dans la configuration avec laquelle nous partons et exercerons notre mission, l’autonomie peut aller de 1h15 à 1h20 si vous êtes dans un combat aérien assez intense. Par contre elle est de 2h30 à 2h45 si vous faites du transit. Dans les missions prioritaires concernant la protection de l’espace aérien des pays Baltes, ils n’auront pas besoin d’être ravitaillés. En effet l’espace aérien est relativement restreint. Cependant dans les missions d’entraînement avec nos homologues Otaniens, les missions pourront se dérouler dans le ciel de Pologne ou au-dessus de la Suède. Dans ce cas-là nous aurons besoin de ravitaillements, en fonction des besoins de la mission. Nos partenaires otaniens, américains, anglais, ou même français assurent ces ravitaillements. C’est vraiment un contexte international est une entraide internationale « .

Peu après les pilotes du convoyage se sont réunis pendant 45 minutes pour le briefing de préparation de la mission. A cette occasion, ils ont revu le plan de vol, ainsi que tous les détails techniques et la météo concernant ce vol de transit.

Départ en mission

Le lendemain matin les 4 pilotes étaient là à 6h30 pour un court briefing météo. Ensuite, ils s’équipent. Puis, ils préparent quelques affaires à emporter, dont une boisson dans ce qui ressemble à un biberon souple. Ensuite c’est le départ vers les avions stationnés dans les hangars de l’autre côté de la piste.

Après avoir vérifié les avions avec le mécano, chacun montait dans son avion pour finir de s’équiper et préparer le décollage. J’ai regagné ensuite la terrasse du bâtiment de commandement pour assister au décollage des Rafales.
Le lieutenant-Colonel Jean-Michel Herpin, commandant de la base, était déjà là, en compagnie de quelques journalistes. Il pleuvait, la piste était détrempée, mais il n’y avait aucun vent, une bonne chose. Les Rafales ont remonté lentement la piste, et après un rapide point fixe, se sont envolés pour accomplir leur mission en Lituanie.

Ce fut une expérience des plus passionnantes et je remercie chaleureusement le Lieutenant-Colonel Jean-Michel Herpin et tout le personnel rencontré de m’avoir accueilli et consacré du temps !

A propos de l'auteur:


1 commentaires:


Désolé les commentaires ne sont pas autorisés