Texte et photos Clément Ducasse
Pour la majorité des gens, le nom de Las Vegas évoque certainement les casinos, la démesure, la Sin City et le King Elvis bien entendu. Pour moi, ça sera plutôt Nellis et le Red Flag.
L’exercice Red Flag
Red Flag est un exercice militaire aérien impliquant plusieurs pays alliés. Il se déroule à partir de la base aérienne Nellis. Depuis 1975, des équipages de l’US Air Force et de différentes forces aériennes alliées se livrent à cet exercice en grandeur réelle qui dure deux semaines.
Cet exercice est organisé quatre à six fois par an par le 414th Combat Training Squadron, bien que récemment seulement trois sessions aient lieu par an. Un des objectifs majeurs est de créer des situations très proches du combat réel. En particulier par l’utilisation de munitions réelles pour certains bombardements. La première session a lieu habituellement fin janvier début février, la deuxième courant mars, et la troisième au cours du mois de juillet.
Spotter à Nellis
La base est gigantesque et permet de nombreux angles de vue en fonction des axes de départs et d’arrivées. Il y a cinq emplacements privilégiés.
Les deux premiers, et les plus faciles à atteindre, sont situés le long du Las Vegas Boulevard au niveau de la Speedway. En arrivant, de grands poteaux indiquent les portes d’entrée pour aller sur le site de courses automobiles, on les appellera les « Gates ».
Point de spot N°1 : Gate 5
Les décollages peuvent être soit standard à savoir une montée en forte pente et en ligne droite, soit « flex », un décollage plus spectaculaire avec un taux de montée initial plus faible et un break à gauche au-dessus du boulevard. Il est avisé de se placer entre les Gates 5 et 6 pour maximiser les chances d’une belle photo lors d’un flex.
Le parking adjacent est très souvent utilisé par la police municipale comme champ d’entraînement pour les courses poursuites en voiture, toutes sirènes hurlantes. Ça fait passer le temps entre deux séries de décollage. Je déconseille de les prendre en photo, pour s’éviter toute question indésirable.
Point de spot N°2 : Gate 3
Les arrivées se font dans la très grande majorité des cas pour les chasseurs avec un passage au break. Il est important de regarder où sont les ailiers par rapport au leader. Si les ailiers sont à droite, ils vont se poser sur la piste gauche. Alors, la distance sera très importante, rendant les photos quasiment infaisables. L’avion sera tout petit, et les ondes de chaleur rendront la photo inutilisable. Si les ailiers sont à gauche, alors ils se poseront sur la piste de droite, et on pourra en profiter. A noter que les appareils de la Navy ont tendance à faire des breaks beaucoup plus courts que l’Air Force ! Pour ces derniers, il faudra plutôt aller en Gate 2.
Pour les arrivées, il faudra plutôt se mettre au niveau de la Gate 3.
Un point très important : il ne faut jamais se garer du côté de la base ; toujours rester sur le côté « Speedway » de la route. Sinon vous risquez d’avoir à vous expliquer auprès de la police militaire qui est prompte à intervenir.
Point de spot N°3 : Cheyenne Avenue
Le troisième point est au niveau de Cheyenne Avenue. On viendra alors se garer le long de la route, toujours du côté opposé à la base.
Il faut rester à l’intersection avec North Ringe Lane pour les atterrissages en 03L. En allant au bout de la rue, on sera mieux positionné pour les atterrissages en 03R. La position des ailiers donnera l’indication si la formation se pose sur la piste de droite ou de gauche. Il faut cinq bonnes minutes pour remonter toute la rue ! Ça parait court mais quand les formations reviennent, ça devient délicat de changer de place.
Attention, il y a de nombreux poteaux et beaucoup de câbles électriques qui peuvent gêner la vue. Personnellement, j’aime bien me mettre à l’intersection avec North Nellis Boulevard, la vue est un peu plus dégagée.
Point de spot N°4 : Alto Avenue
Le quatrième point est au bout de Alto Avenue. De là, on pourra faire les atterrissages en 03R facilement, et surtout les derniers breaks avant le posé.
C’est rapidement accessible depuis Cheyenne Avenue, compter 3-4 minutes en voiture.
Point de spot N°5 : Le parking
Le cinquième et dernier point est sur le parking entre « 3 Stars bar » et « Family food mart III ». Ici, on pourra faire les décollages en 21, sachant que le break est quasiment obligatoire pour ne pas aller survoler la ville. On peut donc s’attendre à des virages bien prononcés, même pour les heavies. Si c’est l’heure des retours, cette position permet d’avoir les derniers breaks avant l’alignement final et le posé.
Il est à noter qu’il n’y a pas de commodités proches de ces points. Le mieux est donc d’emmener de la nourriture et des rafraîchissements pour la journée, pour éviter de rater des passages. Sinon, des stations-services peuvent dépanner si besoin.
Déroulement d’une journée typique.
Chaque jour, Red Flag propose deux missions, une plutôt en début d’après-midi, et une nocturne. Cependant, les unités locales qui ne participent pas à l’exercice continuent leurs activités régulières.
Les premiers décollages commencent habituellement vers 9h. On peut s’attendre à voir une douzaine voire quinzaine de machines prendre l’air. Ce sont souvent les unités du Weapon School qui vont effectuer leurs missions. Elles durent entre 1h30 et 2h maximum.
Vers midi, on va commencer à voir les premiers mouvements sur les parkings ; ce sont les « heavies » qui se préparent et qui vont partir en premier. C’est le signe que la mission de l’après-midi est lancée. C’est alors que vont s’élancer une cinquantaine voire une soixantaine ou plus d’appareils dans ce que l’on appelle un « mass launch ». Il n’est pas rare de voir des décollages se succéder pendant plus d’une heure.
Les retours peuvent commencer autour de 15h-16h et s’échelonnent jusqu’à la tombée de la nuit. Ce sont les ravitailleurs qui fermeront la marche. Si un AWACS est dans les airs, c’est souvent le premier parti et le dernier rentré.
Ensuite, c’est la pause jusqu’à la mission de nuit.
Une fois le crépuscule tombé, on va voir les beacons se mettre en marche, annonçant le début de la mission.
Toutes celles auxquelles j’ai pu assister ont décollé vers le désert. Les chasseurs décollent avec la post-combustion mais l’éteignent assez vite, au bout de quelques secondes une fois en l’air. J’ai eu beaucoup de difficultés à faire des photos dignes de ce nom. Seuls les B-1b Lancer se sont prêtés au jeu en conservant la pleine puissance pendant plus d’une minute.
Au final, où se placer ?
La seule difficulté, si on peut appeler ça une difficulté, est savoir où se placer durant la journée.
S’il n’y a pas de vent, les décollages se feront systématiquement en 03 pour s’éloigner le plus de la ville, et les retours en 21 pour les mêmes raisons. Avec l’aide d’une radio, on peut savoir si les appareils ont été autorisés à « flex », ce qui permet d’anticiper leur trajectoire. La base de Nellis est suffisamment grande, et ses pistes espacées, pour permettre des décollages et atterrissages simultanés en sens inverse. Un appareil peut décoller en 03L pendant qu’un autre se pose en 21L ; c’est assez déstabilisant la première fois ! Même avec une radio, il n’est pas toujours aisé de prédire les mouvements aériens. Il ne faut alors pas hésiter à prendre la voiture et se déplacer rapidement entre deux points pour attraper le meilleur.
Bien que chaque jour semblera être identique au précédent, il y aura toujours des nuances. Au cours de mon dernier voyage, les F-35A israéliens n’ont flexé que le vendredi. Si les vents changent, un posé en 21 n’a rien à voir avec un posé en 03 en termes de photo. Cela fait changer les angles. A mon avis, il faut être présent les 5 jours de la semaine, en profiter au maximum, et chercher des placements différents pour varier un peu les prises de vue et surtout ne rien rater.
Côté soleil, la Speedway sera à contre-jour le matin jusqu’en milieu d’après-midi environ. Il est alors conseillé de rester sur Cheyenne Avenue si les conditions, axes de décollage et atterrissage, le permettent.
A quelle date y aller ?
• Red Flag xx-1 se fait fin janvier. Il faudra penser à se couvrir, la température montant rarement au-dessus de 15°C. Hiver oblige, la lumière restera basse toute la journée, le soleil se couche dans l’axe de la piste.
Le Red Flag 23-1 m’a permis de voir des B52 en vol ; c’était mon objectif, réussi ! Des Typhoon anglais étaient présents, ainsi que des F/A-18G Growler australiens.
• Red Flag xx-2 se fait courant mars, c’est selon moi, le moment idéal. La lumière sera bonne sans brûler les blancs et la température est douce. La golden hour est la plus appréciable à ce moment de l’année. C’est également souvent à cette session que sont invitées les nations étrangères.
A l’occasion du Red Flag 23-2, j’ai eu le plaisir de voir une patrouille serrée de B-1b, ainsi qu’un contingent de F-35A israéliens ; les F-15I annoncés ont finalement décommandé. Un Green Flag se tenait en même temps et une pléthore de A-10C étaient présents.
• Red Flag xx-3 se fait fin juillet. C’est en plein été, les températures explosent, il fait souvent 40°C voire plus dans la voiture. La lumière peut être très dure, et les ondes de chaleur sont une calamité. Pour l’avoir fait en 2019, je buvais entre 5 et 6 litres par jour. C’est très difficile d’en profiter pleinement.
Au cours du Red Flag 19-3, seules des unités de chasseurs américaines étaient invitées. Aucun bombardier lourd n’était présent.
Conclusion
Assister au Red Flag est une très bonne expérience, les mass launch et recovery sont impressionnants à voir. Tant de machines en vol, de jour comme de nuit, quel plaisir. De plus, une fois l’activité aérienne finie, il reste à visiter et profiter de Sin City. Viva Las Vegas !
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