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Une journée avec la Sécurité Civile

Texte Bernard Ondry, photos Bernard Ondry et André Gonzales

Sécurité Civile : Plusieurs cordes à son arc !

  • La prévention des risques de toute nature,
  • L’information et l’alerte des populations
  • La protection des personnes, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes.

Pour effectuer ces différentes missions, elle prépare et mets en œuvre des mesures et les moyens appropriés, relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. Le préfet est le responsable de la préparation et de l’exécution des mesures de sécurité civile. Il dispose pour cela de l’ensemble des services du département SDIS (service départemental d’incendie et de secours), SAMU, gendarmerie, police, DDT, ARS, DDCSPP (Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations). Il en assure la direction des opérations.

Une opération communication d’envergure

Le mardi 25 avril 2023 la Sécurité Civile avait invité sur la base aéronavale de Nîmes Garons pas moins de 30 journalistes nationaux et locaux, ainsi que Spot’air, pour un Média Day pour la présentation des moyens et les stratégies de lutte contre les incendies. C’est sur cette base que sont décentrés depuis 2017, une bonne partie des moyens aéronautiques et terrestres nationaux. En effet, les incendies ont lieu essentiellement dans le sud de la France. Pour notre accueil ils avaient prévu un excellent petit-déjeuner, avant une conférence des plus intéressantes.

Tous les acteurs régionaux étaient présents, ainsi que des responsables nationaux, notamment Adeline Savy, Chef du groupement des moyens aériens, et l’Inspecteur général François Pradon, Chef d’Etat Major de la zone sud de la Sécurité Civile.

Participaient également à cette conférence le colonel Thierry Carret, directeur du SDIS du Gard, Olivier Bertrand le Chef du groupement d’avion de la Sécurité Civile.
On comptait également Benoît Edmond, régisseur à l’Office national des forêts dans le département de défense des forêts contre l’incendie. Pascal Bouchet, Chef du groupement hélicoptère de la Sécurité Civile était présent. Enfin du côté de Météo-France, Véronique Ducros, Directrice des Opérations, Responsable des prévisionnistes, et Catherine Robert, Coordinatrice nationale de l’activité feu se joignaient à nous.

La doctrine et les piliers de l’intervention contre les incendies

Le Chef d’état-major entra rapidement dans le vif du sujet en nous présentant la doctrine française de lutte contre les feux de forêt et expliquant les stratégies en matière de lutte contre les incendies :

« La France est reconnue comme une certaine référence au niveau au niveau européen et mondial. Plusieurs autres pays nous suivent pour justement améliorer cette doctrine, au fur et à mesure des réflexes vécus. La saison 2022, évidemment a attiré notre attention même s’il y avait eu d’autres saisons antérieurement dramatiques. Ces années-là doivent servir à rebondir et à améliorer une méthode éprouvée. L’année dernière, malgré 60 à 70000 hectares brûlés. Il n’y a eu que quelques maisons impactées et aucun décès. Ce n’est pas pour cela qu’il faut dire que nous avons tout fait parfaitement, puisque les feux ont été importants.« 

L’anticipation, le premier pilier de la lutte anti-incendie

« Si nous n’anticipons pas sur la campagne de feux de forêt, sur l’organisation, nous avons perdu avant de commencer. Donc là le premier maître mot, c’est l’anticipation. Le 2ème maître mot, c’est l’intervention globale et l’intervention interministérielle. » Les forces de Sécurité Civile générales, que ce soit avions, hélicoptères ou formation militaire de Sécurité Civile ne peuvent rien s’il n’y a pas avant tout l’aménagement du territoire.

« L’ONF (Office National des Forêts) la DFCI (Défense des Forêts Contre les Incendies) et Météo France vont nous permettre d’anticiper en déterminant quels vont être les lieux où nous allons avoir un danger Imminent. Cela permet d’anticiper les renforts pour le lendemain, dans 2 jours, dans 3 jours. Le ministère de l’Environnement et le ministère de l’Agriculture nous accompagnent dans ce qu’on appelle la prévention, l’aménagement du territoire et toute la partie urbanisme. Il y a les obligations légales de débroussaillement. L’aménagement du terrain permet aux sapeurs-pompiers d’intervenir plus efficacement face au feu. Car lui n’a pas de frontières, n’a pas de limite de terrain, de limites d’espace végétal. On voit de plus en plus des feux qui se propagent de forêts en Landes, et garrigues, en prairie, en herbe. Tout est foyer, pour attiser l’incendie.« 

Eviter l’explosion des incendies

La première chose essentielle, c’est donc d’éviter l’explosion des incendies. 8 feux sur 10 sont de cause humaine, il est donc important de le rappeler. Lorsqu’il y a un feu, c’est un échec de prévention et de sensibilisation auprès de la population. « Si nous demandons aux gens de ne plus jeter leurs mégots par la fenêtre de la voiture, ce n’est pas pour embêter les fumeurs. Sur les autoroutes, 90% des feux sont des feux de mégots. » Ainsi à Gonfaron, un mégot de cigarette a brulé 8000 hectares.

« Le premier maillon de la lutte, c’est l’attaque de l’incendie dès le départ. dans les premières minutes, il faut parfois 10 litres d’eau. Puis une fois que l’incendie s’est propagé, ce sont des dizaines et des dizaines de litre, parfois des milliers. Donc l’objectif c’est que l’on puisse attaquer les feux en moins de 10 min systématiquement grâce à une détection précoce, et des camions prêts à partir en intervention.« 

Le 2ème maillon de cette prévention pour la lutte, et l’attaque des feux naissants, ce sont les moyens aériens. Ce sont soit des moyens départementaux qui sont loués (on parle d’hélicoptères, de petits avions, qui tournent sur des périodes définies sur des lieux définis) soit ce sont des aéronefs de la Sécurité Civile.

« Nous avons eu plus de feux l’année dernière. Sur les 12000 départs de feu nous avons éteints 90% avant qu’ils dépassent 5 hectares. 10% ont donc passé les 5 hectares, les seuls souvent médiatisés. C’est la satisfaction de la journée si, au bout d’une journée à risque, aucun feu n’a débordé les 5 hectares.« 

La concentration des moyens, le second pilier de la lutte anti-incendie

Le 2e pilier quand le feu a passé 5 hectares, c’est une attaque de concentration massive. Nous avons pour ce faire une flotte aérienne conséquente. Celle-ci a été augmentée cette année de moyens loués notamment d’hélicoptères. « Nous alignons donc une flotte de 20 avions bombardiers d’eau au niveau national. Au niveau des SDIS, nous avons 22 vecteurs départementaux. Ce sont des petits hélicoptères avec 500 à 800 litres d’eau. Nous complétons avec des petits avions qui ont 2 tonnes d’eau. Ils peuvent faire la première attaque avant l’attaque des moyens nationaux. L’objectif, c’est de concentrer un maximum de moyens qu’ils soient terrestres ou aériens dans un minimum de temps. La finalité est que le feu n’échappe pas et ne devienne pas incontrôlable. Les feux de cinq à une centaine d’hectares sont des feux humainement contrôlable tout de suite dans les 2-3h.« 

« Une fois que le feu a échappé, il faut avoir une conduite générale des opérations qui est autre parce que les moyens de lutte sont dépassés. Quand je dis les moyens de lutte sont dépassés, c’est qu’il y a d’autres feux. Nous sommes donc obligés de séparer les moyens. A partir du moment où on sépare les moyens, on est en condition de lutte moins favorable. Il faut qu’on se serve du terrain.« 

« Dans les cas difficiles l’Europe vient en renfort avec ses avions. Cette coopération européenne fonctionne effectivement, et dans les deux sens. Cet appui de 2, voire 4 Canadair en plus des 12 nôtres, peut s’avérer de grande utilité. En effet, quand vous avez plusieurs feux comme l’année dernière, 8 ou 10 feux en même temps sur 5 zones différentes, c’est un peu plus compliqué.« 

Les moyens aériens basés à Nîmes-Garons

Après la conférence nous avons pu approcher les avions, les visiter et échanger avec les pilotes. La flotte de la Sécurité Civile comprend plusieurs types d’aéronefs : 12 Canadair, 8 Dash, 3 Beechcraft 200 Super King Air et une trentaine d’hélicoptères EC 145 Dragon

  • Les Canadairs, indicatif opérationnel Pélican.
    • Ils sont capables d’écoper et de larguer 6 tonnes d’eau à une altitude de 30 mètres. C’est la bonne altitude pour que l’eau ne se vaporise pas à l’arrivée sur les flammes. Cela qui le rendrait totalement inefficace. Leurs missions : attaque directe et massive des incendies, défense de points sensibles, largage de sécurité, et guet aérien armé pour l’attaque de feux naissants. L’équipage est composé d’un pilote et d’un copilote. Seul le pilote commandant assure l’écopage et le largage. Pour une meilleure efficacité, les Canadair interviennent par noria de quatre. Ils prennent toujours l’eau au plus près des incendies. C’est de préférence de l’eau douce pour avoir un minimum de maintenance liée à la corrosion. Leur autonomie de vol sur feu et de 3h30.
  • Les Dash 8 Q400 MR, indicatif opérationnel Milan.
    • Ils sont complémentaires aux Canadair, avec une autonomie de 5h. Leurs missions : l’attaque des feux naissants en eau ou en retardant, le guet aérien armé, la pose de lignes de retardant, le transport de passagers ou fret suivant la configuration. Leur capacité d’emport et de largage est de 10 tonnes, mais contrairement au Canadair il n’écope pas sur un plan d’eau, mais se ravitaille à terre sur un Pélicandrome, en 10 minutes. La mise en œuvre nécessite trois sapeurs-pompiers spécialisés (un chef d’équipe et deux équipiers). Il existe 22 sites en France, dont 17 permanents, essentiellement dans le sud.
  • Les Beechcraft 200 Super King Air, indicatif opérationnel Bengale pour l’investigation et Icare pour la coordination.
    • Leurs missions investigation, compte rendu de la situation et arbitrage sur les moyens aériens nécessaires, coordination et commandement des opérations aériennes. C’est une véritable tour de contrôle mobile. Ils facilitent les communications air-sol et assurent la gestion des objectifs pour les avions engagés. L’équipage est composé d’un pilote accompagné de l’officier d’investigation. Son autonomie sur feu est de quatre heures, avec une capacité d’emport de 8 à 9 passagers.
  • Les hélicoptères EC 145, indicatif opérationnel Dragon.
    • Ils ont pour mission la reconnaissance aérienne du feu mais aussi le transport de personnel avec matériel. Ils peuvent aussi assurer la mise en sécurité et l’évacuation de personnes en danger. Ils assurent aussi le guidage des moyens aériens et terrestres. Ils ont une capacité d’emport de neuf passagers. La charge maximale au décollage est de 3,6 t, avec une autonomie de 2h15.

Les démonstrations sur le terrains

  • 1 dispersion de retardant rose par les 4 camions du SDIS du Gard.
  • Largage d’eau à basse altitude par le Dash 8, après un passage de repérage.
  • Largage d’eau à basse altitude par deux Canadairs, après un passage de repérage.
  • Pour finir, présentation des équipages de 8 camions, sur la piste.

Bilan 2022 et conclusion

« L’année dernière, sur 12000 feux, 9 seulement ont été médiatisés. Mais ces 9 feux ont fait 90% de la surface brulée, dont les 3 feux de Gironde, les 5 feux du Sud, le feu du Maine-et-Loire. Avec ces neuf feux, nous sommes à peu près à 60000 hectares, sur les 72000 du total. Et donc vous avez après 12000 feux qui n’ont fait que 10000 hectares. C’est bien là la justification positive de la doctrine. Notre objectif est 10 minutes, mais aujourd’hui nous attaquons les feux en 7 minutes »

« Si nous voulions attaquer les feux en 6 minutes, soit une minute de moins, il faudrait doubler les effectifs de pompiers et doubler les moyens aériens et donc avoir beaucoup plus de pilotes, etc… C‘est une balance du bénéfice par rapport au risque.
Quand nous sommes dépassés, nous pouvons faire appel à notre flotte européenne, à laquelle nous participons avec 2 Canadair. Quand il y a peu de risques et qu’il y a des dangers ailleurs, nous envoyons nos Canadair, comme en 2020, 2021. L’année dernière, en 2022, l’Europe nous a aidé avec 2 Canadair italiens et 2 Canadair Grecs et des avions de Suède. Le ministère de l’Intérieur a annoncé voilà une dizaine de jours l’augmentation de nos moyens, 50 colonnes préventives et curatives, plus d’avions, et plus d’hélicoptères, voilà une très bonne nouvelle.
« 

C’était une journée très bien organisée, vraiment passionnante, étant donné les activités proposées ainsi que la somme d’informations nouvelles récoltées. L’accueil était en outre excellent, avec un bon petit déjeuner et un déjeuner sympathique sur la terrasse du bâtiment. La Sécurité Civile sait recevoir…

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